« Les feuilles d’album reprennent des éléments majeurs de la culture matérielle chinoise — porcelaine, bronze, encre et papier — pour les remixer dans un état transformé. Chaque matériau s’exprime d’une manière inédite et renaît. »
« Il semble parfois que le passé imaginé que nous portons en nous soit plus réel pour notre esprit que la réalité concrète dans laquelle nos corps physiques résident. »
— Kelly Wang
Le travail de Kelly Wang explore l’abstraction ainsi que des questions liées à l’identité asiatique-américaine, à l’hybridité culturelle et à l’expérience diasporique. Sa pratique visuelle et conceptuelle s’enracine dans le récit personnel, l’expérimentation matérielle et un attachement profond aux matériaux traditionnels de l’art chinois, tels que le papier, l’encre et la philosophie esthétique asiatique.
Dans des séries récentes comme Cloud Dragon, elle délaisse le pinceau au profit de techniques telles que la vaporisation, la coulée ou l’imprégnation d’encre et d’eau sur du papier Xuan 宣紙 ou Cloud Dragon 雲龍紙. En intégrant de façon surprenante des matériaux contemporains, elle poursuit son processus sur des panneaux de bois ou d’aluminium, versant des couches de résine transparente mêlées à des pigments minéraux, et manipulant leur écoulement à l’aide de solvants chimiques, d’ustensiles de cuisine ou d’un chalumeau.
Blue in Green suit un procédé similaire à celui de la série Cloud Dragon, remplaçant toutefois le papier Cloud Dragon par du papier de restauration en mûrier.
Outre la série Cloud Dragon, cette exposition présente également des œuvres issues de la série Reverse Monopainting de Wang. Les feuilles d’album, à l’aspect de porcelaine, sont créées à partir de fragments de papier recouverts d’encre, de pigments minéraux, de bronze et de fer pulvérisés. Ces fragments sont appliqués sur une planche d’argile, laissés à sécher, puis retirés, ne laissant qu’un résidu de fibres, de pigment, de métal et d’encre. Pour Wang, ce résidu devient une métaphore de l’expérience diasporique : tenter de reconstituer les fils épars d’une tradition culturelle venue d’un passé lointain.
Les œuvres de la série Reverse Monopainting incluent : Dream Journey to Xiao and Xiang, inspirée du style de Mi Youren 米友仁, artiste de la dynastie Song du Nord ; Lotus Land, née d’une visite dans un jardin privé à Santa Barbara, où paysage et feuilles de lotus fusionnent dans la mémoire de l’artiste ; et Speak, Memory 2, une série de quatre tableaux inspirés des mémoires de Vladimir Nabokov.
Wang présente également dans cette exposition la première œuvre de sa toute nouvelle série, No City 1. Combinant des fibres industrielles en acier inoxydable et du papier de restauration en mûrier, cette série explore les aspects cachés, le subconscient, l’insaisissable. Abordant le sentiment de dislocation et jouant sur les contradictions, No City imagine un avenir où l’acier — ossature des villes modernes, solide et impénétrable — devient aussi diffus qu’une bouffée de fumée, tandis que le papier délicat, presque translucide, acquiert une présence structurelle.
Avec The Owl and The Phoenix, une nouvelle installation créée spécialement pour cette exposition, Wang utilise du bois flotté ramassé, des étagères industrielles, du fil qu’elle a elle-même filé à partir de papier de mûrier, ainsi qu’une projection vidéo pour transporter à Paris un fragment déconstruit de sa vie quotidienne à New York.